Le SDH est déprogrammé de la BDP2004
-----Message
d'origine-----
De : BDP [mailto:contact@biennaledeparis.org]
Envoyé : lundi 16 février 2004 22:18
À : nettime-fr@samizdat.net
Objet : [nettime-fr] BDP2004 [biennale de Paris] - Info 15022004
BDP2004
[biennale de Paris]
Du
20 février au 15 mars à Paris, en France et à l'étranger
PRESENTATION
La BDP est une manifestation d'art favorisant une dynamique dont l'objectif
est de révéler l'actualité de l'art dans ses formes les plus contemporaines,
à travers des formes d'art avancées et par la valorisation de la production
immatérielle. Les productions immatérielles et les formes d'art avancées signifient
des oeuvres de l'esprit inscrites dans le réel qui génèrent des éléments de
réflexion, de conscientisation, ou relevant de l'ordre de l'expérience personnelle,
collective et sociale. Libérées de l'emprise de l'esthétique dominante, les
productions immatérielles et les formes d'art avancées se définissent en terme
de pensée libre qui s'affirme. La BDP vise à redonner à Paris une place majeure
sur la scène artistique internationale : par son inscription, dès sa 1ére édition,
dans le circuit des événements artistiques majeurs en tant que pôle distinct,
par un fonctionnement en réseau large et fortement impliqué à l'échelle internationale,
avec des noyaux et interconnections, et par son étendue plus large que la ville
et le pays d'accueil. La BDP se renouvelle dans son ensemble, la réalité du
présent est sa référence. Les participants à la BDP2004 interviendront en accord
avec la nature de leurs propositions. Les oeuvres présentées peuvent être un
dîner, une soupe populaire, un débat, un colloque, une conférence, une projection
d'un film, un document d'information indiquant l'existence d'une oeuvre, d'un
lieu ou d'une personne, un rendez-vous, des produits dérivés comme un autocollant
ou une carte postale, un coktail, une course à pied, une discussion, un service,
une dégustation, une rencontre, du rien concret ...
- Le programme de la BDP2004 est disponible sur le site Internet :
http://www.biennaledeparis.org ( participants,
projets, dates,lieux).
- Le catalogue de la BDP2004 est en vente à partir de 20 février
(523 pages, noir & blanc, prix : 100 $).
- Préface du catalogue de Paul Ardenne.
« EXPERIMENTER UNE BIENNALE - PAUL ARDENNE
Ces quinze dernières années, le nombre des biennales d'art contemporain s'est
accru de manière significative : une dizaine autour de 1990, plus de quarante
aujourd'hui. Sans réel déficit de « couverture » géographique, au demeurant,
de Sharjah à Fortaleza et Valence ou Istanbul et Sydney, de Puerto Rico ou Lyon
à Pékin en passant par le Caire, New York ou La Havane, de Shanghai au Sénégal
et jusqu'à Prague ou Lyon, Cetinié ou Cuenca (entre maintes autres localisations).
Cette « biennalisation » du monde de l'art n'est pas une mauvaise chose. Elle
permet à l'observateur, au touriste ou au curieux de se faire une image en coupe
de la création vivante en arts plastiques. Elle met en exergue, encore, de cette
dernière, l'actuel dynamisme, plus la difficulté qu'il y a à contenir ce dynamisme
dans les frontières du seul monde occidental, dorénavant débordées.
S'il est toutefois une critique souvent faite aux biennales officielles, c'est
leur fonction uniformisante. Mêmes artistes, mêmes curators, mêmes thématiques,
fréquemment, donnent l'impression de leur assujettissement à une même machinerie
conceptuelle et idéologique. S'il est bienvenu de faire valoir, de manière périodique,
la création vivante, de porter l'attention dans sa direction, il l'est bien
moins d'instrumentaliser la création aux impératifs du marché, de la mode et
de la critique en vogue. Ne soyons pas caricaturaux : il reste toujours à voir,
une fois crevé l'écran de la normalisation. Mais il n'empêche, l'industrie culturelle
a son fonctionnement propre, elle gère un univers constitué, recourt plus volontiers
à des acteurs repérés pour opérer ses sélections, bref, se donne elle-même en
représentation, non forcément contre l'art mais avec lui, et bien souvent en
plus de lui.
La biennale de Paris 2004 a bien peu à voir avec le corpus sacré des biennales
officielles. Biennale en rupture ? Sans nul doute. D'abord, de n'être en rien
officielle mais d'avoir été conçue par un artiste, Alexandre Gurita. Ensuite,
de ne pas faire une crispation sur le lieu même de son établissement, Paris
: une grande partie de l'exposition est délocalisée, en Californie, à Beyrouth...
(rien d'anormal à cette donne à l'ère des réseaux, mondialisation oblige).
Encore, d'assumer sa formidable pauvreté en termes de lieux d'accueil, de moyens
et d'organisation : le prix à payer, dans ce cas, à la non institutionnalisation,
qui a pour effet de maintenir verrouillées les portes de lieux d'accueil potentiels,
et, faute d'aide matérielle, de contenir jusqu'à l'austérité le budget de la
manifestation (quand bien même la biennale, comme on pourra le vérifier, est
tout ce qu'il y a de plus low cost). Enfin, faute de pouvoir intéresser la presse
(le budget alloué à la communication est dérisoire), cette biennale a toutes
les chances de demeurer une manifestation fantôme. Ce qui n'est pas vu n'existe
pas, disait Warhol. Ce qui n'est pas glosé, pas beaucoup plus.
Le plus intéressant, dans le projet d'Alexandre Gurita, c'est la haute probabilité
de son ratage, sinon celle d'un fiasco total. Probabilité, justement, programmée,
inscrite à l'ordre du jour, plus que virtuelle. Donnée à méditer, s'il en est.
Quand l'industrie culturelle réclame haute fréquentation, retombées symboliques
voire rentabilité, la biennale de Paris 2004 demande pour sa part, tout au plus,
d'arriver à son terme logique pourtant, l'existence. Ce positionnement en lisière
de défaite n'a rien de masochiste. Il tient plus simplement à une volonté démonstrative.
En l'espèce, il s'agit bien d'abord de faire valoir cet argument : le système
de l'art est à ce point phagocyté par l'institution que nulle sortie de son
cercle ne semble possible. La biennale de Paris 2004 est pauvre ? C'est sans
doute parce qu'il semble ne pouvoir en être autrement. Parce que la libre initiative
n'intéresse que très peu l'officialité, sauf, on le sait, à la récupérer.
Au spectateur confronté à la biennale de paris 2004, conseillons en conséquence
d'abandonner toute espérance : pas de vernissage massif avec discours officiels,
petits fours, mains de ministres que l'on sert ; pas de scénographie racoleuse
en des lieux majuscules de la culture locale ; pas de catalogue somptueux. Il
n'y a là, tout compte fait, que l'art, et encore, un art qui ne prendrait pour
rien au monde la forme trop recyclable (dans le marché) de l'objet. Cette réalisation
relationnelle qu'est la biennale de Paris 2004 (prospecter, rencontrer, mais
alors librement, sans préjugé ou sans la contrainte de la séduction) se singularise
ainsi par son contenu esthétique bien défini : préférence accordée aux créations
activistes, de type contextuel, c'est-à-dire tout ce qui échappe à un statut
clairement repérable selon les catégories normées, et s'avère le plus clair
du temps inexposable. Tout ce qui échappe, aussi, à la séduction.
La biennale comme objet à concevoir et penser sans que l'on soit sûr que l'hypothèse
soit confirmée, en bout de course, par l'événement concret. Une expérience.