Corporate Prayer

et la réussite 2000 WTF

C’est l’histoire d’un morceau qui sonne le glas d’une mort certaine, celle d’une jeunesse idiote, d’une génération d’assistés, et le triomphe d’une péniche électrique voguant dans un tsunami d’ignorance. La victoire, notre victoire était certes inaccessible mais le pouvoir de l’espoir est puissant. Mais impuissant face à l’abandon collectif. Corporate Prayer n’est que le subtil renvoi d’un échec générationnel abyssal. Les bébés requins, hargneux littéraires, cinéphiles à mèches et intellos des caniveaux s’effondrent dans les erreurs de leurs propres aînés, les « vieuj’ » à grunge. Ils se morfondent dans une drogue chimique, antiépileptiques pour chevaux, le cerveau qui bave, la culture discount et les boîtes à rythme ED dans un même et unique but, celui de rejoindre un jour, la déglingue animale de la réussite 2000 WTF. Quand la cocaïne prend place à Saint-Germain, Vian sale tire-au-flanc se fait ramasser par le lobby télé qui roule des épaules. Quand cette même cocaïne envahit l’acteur 2000 WTF, c’est son mutisme à braguette qui saute, une pipe en vaut deux tu l’auras, dans la modernité 2000 WTF : Costes et ses chaises à deux trous à rat. L’aseptisation de cette sous-culture de souche vient alors effondrer le regard critique, la verve veine, l’intellectualisation de l’Art et l’infantilisation de la fête pour créer LA réussite 2000 WTF. Cette réussite que Thierry Théolier prie de ne jamais atteindre, bien esseulé, lui gourou, irréductible barbu face aux faux « semblants » à duvets. Atteindre la tour Anal +, la signature des “Incrocks” et la porte des rêves TNTeubé, les plans de carrières remplacent l’anarchie intellectuelle, la créativité morbide et la folle folie éthylique. Désormais disparus, étouffés par un silencieux sous couette, les requins à dents sciées des débuts 2000 WTF viennent ainsi cirer le parquet lustré d’Endémique dans une avidité de reconnaissance nauséeuse et cette idée qu’un mètre carré vaut bien une sodomie hémorragique de honte et d’Âneries.

Ma dernière rencontre avec la réussite 2000 WTF date de quelques semaines, un über-bobo à la merde au parfum jasmin qui ne s’autorise que le biologique pour s’assurer d’une progéniture saine et équilibrée, le vin de souche pur, la bière au malt ramassé à mains nues par des gamins ouzbeks et la certitude d’avoir trouvé la voie du bonheur. Et quand Busy P est pour lui synonyme de réussite « pour avoir vendu des millions d’albums et gérer une carrière de business man », tout en acceptant la débilisation qui s’ensuit, c’est une débâcle intellectuelle qui marque au fer rouge la stratosphère hypante d’une société incestueuse qui se trompe.

Avec Corporate Prayer, le vertige est rotatoire, friable, le nystagmus au regard, la démarche ataxique, comme une gueule de bois du soir, immonde ragoût putréfié dans la gorge, la sensation ébrieuse d’être passé à côté, de vivre une vie prédestinée, de manger et accepter le consensuel, crever la gueule fermée avec cette lourde impression de ne plus pouvoir bouger, immobiliser par une vérité sociétale qui dépasse le Divin supplié par ThTh.

Seul partout, seul tout le temps. Et prier qu’un jour, la réussite nous fuit.

Mister Ig

Sortie des deux premiers morceaux : Corporate Prayer et SUCKERS sur le label NUKOD. L'album "2000 WHAT THE FUCK" sort le 5 octobre 2013.

 

 
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