Thierry Théolier

Social Schizo-processeur.

Il est toujours salutaire de faire un tour du côté de chez Thierry Théolier. Tout d'abord, le Dude aime défoncer à tout-va quand la nuit parisienne s'institutionnalise et clôture ses lignes de fuites libertaires. Nous assisterons donc lors de cet entretien à un cartouchage en bonne et due forme de l'initiative bureaucratico-administrative du Maire de la Nuit. Ensuite, il serait dommage de cantonner le personnage sous la simple figure du Hater, puisqu'il traîne derrière lui une longue chaîne de M.A.J artistiques. Avec pour dernier maillon, un bug discographique nommé 2000 What The Fuck.

Avant d'attaquer l'interview, quelques mots sur l'album. Prononcer Deux Mille What The Fuck en insistant sur le Zeu Fuck parce que la génération post 9/11 se l'ai bien fait bien mettre. Sur une techno faussement low-cost, Thierry Théolier programme sa langue en open source façon sprechgesang et géométrise le long de ses 6 tracks (et 4 remixes) le néant du post-modernisme. Comment dès lors échapper au Nihil ? Sans doute en créant son propre Nihil, comme l'attestent les patterns sémantiques du morceau phare de l'album, Corporate Prayer. « Oh Dieu, faites que je ne réussisse pas... ». On aime ou on n'aime pas, Théolier s'en branle, il occupe les interstices. Et ce n'est que le premier acte, nous sommes prévenus.

Alors Thierry, c'est quoi cette histoire ? J'ai entendu dire que tu voulais te présenter comme Maire de la Nuit (ndlr, une initiative citoyenne visant à élire un représentant des noctambules au début du mois) ?


Pas du tout. Je t'explique. Comme tous les mois, je vais chez Technikart chercher le magazine pour vérifier ma chronique "Lettre de P.A.R.I.S" sous l'invitation de Laurence Rémila, et la correction dudesque de Raphaël Turcat. Les mecs me disent : « Thierry, on a une bonne idée pour toi. Est-ce que ça te dit de déposer ta candidature comme Maire de la Nuit, et Technikart soutient ta candidature. » Bon, j'avais bu deux picons, j'étais passé par Cash Converters, j'étais de bonne humeur, je dis : « ok... pourquoi pas... let's go! tout est bon dans le cochon. »

Et ensuite ?


Ensuite, je rentre dans mon antre et je lis le communiqué de presse. Ce n'est pas du tout ma tasse de thé et je me dis « No way » je ne suis absolument pas fait pour ça.

Qu'est-ce qui t'a dérangé là-dedans ?


Mais putain, il faut violer l'espace public ! Pas demander la permission de pouvoir mettre le poing dedans. Mais on est où là ? Maire de la Nuit, ce truc, c'est un oxymore de merde, un coup de pub fait par des communicants ! Je ne sais pas quelles sont les véritables motivations de la personne qui est derrière. Dans l'absolu, on ne rentre pas en discussion avec le pouvoir, on le viole. Ça dure un temps, et on se casse, et on va ensuite ailleurs, on fait des T.A.Z quoi. On ne commence pas à être des Diplomates de la teuf. Ou alors, on est des bobos, et on essaye de se trouver une place à la mairie.

C'est donc complètement incompatible avec ta vision de la nuit ?


Me demander de me présenter comme Maire de la Nuit, c'est une grosse blague par rapport à un mec comme moi qui a été le booster de la Gare Aux Gorilles, ou du squat rue Royal. Je suis un D.A de Squat, pas un D.A de lieu Bobo. Et puis, c'est quoi ce bordel, y'a plein de lieux libres partout, à prendre et il faudrait commencer à discuter avec des bobos qui ont aucune culture, pratique de La Nuit et de la Teuf ? Ces mêmes suckers posent des interdictions partout : interdiction de fumer, interdiction de se droguer, interdiction de boire, interdiction de baiser, interdiction de se tuer. LAISSEZ VIVRE ET MOURIR COMME ON L'ENTEND. Et ce n'est pas avec un Maire de la Nuit que ça va s'arranger. Comme disait Jean-Louis Murat avant qu'il ne commence à partir en sucette : « SUICIDEZ-VOUS LE PEUPLE EST MORT ». Voilà, et bien cette phrase, elle est vraiment d'actualité avec cette histoire de Maire de la Nuit.

Il n'y a donc aucune possibilité pour toi de faire une table ronde avec les institutions ? Tu penses que ça ne mène à rien ?


Mais bien sûr que ça ne mène à rien. Ça mène à couper la came. C'est comme si on avait 300 kilos de cocaïne et qu'on mettait de la merde dedans. Non, la nuit, on prend la coke, on la sniffe, et on ne demande rien à personne. La nuit c'est comme la coke, c'est un truc pur, il ne faut pas la couper, si tu la coupes, c'est foutu. T'auras des produits frelatés, t'auras des DJ frelatés, des pétasses frelatées... On en a rien à branler, on est dans le Sauvage. La nuit est sauvage. Voilà. Donc les jeunes qui ont un peu d'énergie et de testostérone, il faut qu'ils se mettent à aller bouger leur cul, et pas aller SUCKER la Concrète, le Social Club... Mais qu'ils aillent faire eux-même leurs teufs là où c'est INTERDIT, tu vois.

Qu'est-ce qui ne te plaît pas dans le Social Club ou la Concrète ?


C'est la mafia. C'est juste la mafia. Il y a un groupe de personnes qui phagocyte les DJ's, les lieux, les sponsorings, et qui décide de ce qui est bien et de ce qui est mauvais. Et en plus, c'est des lieux qui sont aseptisés et trop chers au niveau des consos. À l'heure où les logiciels Traktor sont craquables, les PC sont à 200 euros, n'importe quel gusse un peu sensible peut faire danser des gens. Par rapport à ça, le Djing de snob qui se dit « Tiens je connais cette musique c'est génial, regarde-moi comment je danse pas vraiment. », ça me fait vomir.

Tu ne penses pas que la Concrète a relancé une roue qui était un peu rouillée ?


Oui, bien sûr. Mais pour moi, tout ça, c'est du carnaval, du divertissement, de l'entertainment de merde. Alors que quelqu'un qui s'engage dans l'insurrection festive, artistique et politique, il change sa vie, il se laisse pousser la barbe, il n'est plus bobo, même si la barbe devient un conformisme de plus. Y'a un truc sauvage dans la barbe... Quand tu bosses à Disneyland, ou à Mc Donald, tu peux pas avoir de poils. Tu ne peux pas être un loup, il faut que tu sois un agneau tondu.

Bon, on est contents de voir que tu n'as pas changé. Toujours dans une logique de syndicaliste schizo...


C'est mon credo. J'ai écris une phrase dont je suis assez fier : « Je ne crois plus du tout au concept pubard du cheval de Troie pour pénétrer la matrice médiatico-com-mes-couilles mais au bon vieux bélier, la machine de guerre moyenâgeuse, que l'on laissera après l'impact, orpheline, abandonnée, devant les portes fracassées de la forteresse et alors que l'on rebroussera chemin, pour retourner dans la Forêt Sans Nom, on sentira un léger malaise de l'Ennemi qui, bizarrement, n'était que nous-même... » Think about it Dudes.

photo : Louis-Marie du Perray

Album "2000 What The Fuck" - Disponible sur nukod.com

Il sera derrière les platines le 15 janvier prochain chez Moune.

Suivre son actu : SyndicatDuHype

Texte : Michaël Pécot-Kleiner a.k.a MPK (Rédac chef du BONBON NUI)

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